testo di Charles-Henri Favrod
Cesare Di Liborio’s portals open up onto infinite space since vestigial fences can no longer prohibit entry or restrict nature’s freedom but, rather, embrace emptiness. The result is a feeling of vertigo so singularly different that it is more an inventory of places and, hence, a document.
But this is not unknown in photography. Opponents of photography as an art form often accuse it of closing out the horizon when, if fact, its true task and meaning is to widen it well before mere framing. Cesare Di Liborio always goes beyond the event seen to create the mirage. His approach excels in its ability to suggest, provoke the imagination and the dream. It convinces us that life is a dream, that certainty is always and only an extravagant illusion and that vision is better than sight. Things become far less apparent when we try over hard to highlight them. Illusion is the mother of invention. How can we guess the answer if there is no puzzle. How can we wake if no spell is cast? We end by seeing only what is hidden.
All Di Liborio’s photographs are open even when constructed around a closed portal. And the portal, instead of being an obstacle, becomes a plot to be travelled rapidly as does Cesare Di Liborio with absolute mastery creating, as he does, at most ambiguity and mystery. And, of course, immediately a number of questions comes to mind: what is behind the gate?
What will be find at the end of the road? What does something so openly revealed hide?
Victor Hugo locates the camera obscura at the deepest point of being: “It is something unspoken, but it is within ourselves that we see what is outside us. The dark mirror is at the very heart of man where that dreadful chiaroscuro is found. What the soul reflects on is more vertiginous that what is viewed first hand. More than an image, it is an icon and in the icon there is much of the apparition. And if we look down into the well that is our soul, we can see at an abysmal distance, in a tiny circle, the immensity of the world”.
André Breton’s reaction was to include surrealism in the ongoing revelation of the unconscious: “But it is from the poets, down the centuries, that it is possible and permissible to find the stimulus to bring man back to the centre of the universe, to snatch him for a second from his passing adventure, to remind him through any form of sorrow or joy outside his being, that he is a venue capable of infinite perfection by determination and echo”.
Dualism is intrinsic to photography because it creates a fundamental separation between the real and the apparent but also because the photographer’s relationship with the world is equivocal. He can simply hide the human touch and submit to the supremacy of things. But when he is able to change them through his special vision, he becomes clairvoyant. And Cesare Di Liborio succeeds in this to perfection.
Charles-Henri Favrod
Honorary Director of the Elysée Museum
Les portails de Cesare Di Liborio s’ouvrent sur l’espace infini. Vestiges d’une clôture, ils ne célèbrent plus du tout l’interdit et la liberté de la nature. A ce titre, ils fonctionnent comme une mise en abîme et provoquent un sentiment de vertige d’autant plus singulier qu’ils paraissent d’abord ne relever que de l’état des lieux, donc du document.
Ce phénomène n’est pas rare en photographie. Ses adversaire l’accusent souvent de fermer l’horizon, alors que sa véritable vocation est l’élargir, bien au-delà du cadre. Cesare Di Liborio dépasse toujours le constat et crée le mirage. Son approche excelle à suggérer, à provoquer l’imagination et le rêve, à convaincre que la vie est un songe, que la certitude n’est jamais qu’un leurre extravagant, qu’il vaut décidément mieux la vision que la vue. Les choses apparaissent bien peu quand on s’applique à les trop montrer. L’illusion permet la découverte. Comment deviner sans énigme? Quel réveil s’il n’y a d’abord sortilège? On ne finit par voir que ce qui est caché.
Toutes les images de Cesare Di Liborio sont ouvertes, même celles qu’il construit autor d’une grille fermée. C’est d’ailleurs plus une trame qu’un obstacle. On passe à travers aussitôt et il s’y emploie avec beaucoup d’aisance. Mais il crée du même coup l’ambiguïté, le mystère et suscite aussi la question: qu’y a-t-il donc derrière? Que va-t-on trouver au bout du chemin? Que cache ce qui est montré avec précision?
Victor Hugo introduit la camera obscura au plus profond de l’être: “Chose inouïe, c’est au dedans de soi qu’il faut regarder le dehors. Le miroir sombre est au fond de l’homme. Là est le clair-obscur terrible. La chose réfléchie par l’âme est plus vertigineuse que vue directement. C’est plus que l’image, c’est le simulacre, et dans le simulacre il y a du spectre. En nous penchant sur ce puits, notre esprit, nous y apercevons à une distance d’abîme, dans un cercle étroit, le monde immense.”
André Breton lui fait écho, inscrivant le surréalisme dans la continuité des révélations de l’inconscient: “C’est des poètes, malgré tout, au fil de siècles, qu’il est possible et permis d’attendre les impulsions susceptibles de replacer l’homme au coeur de l’univers, de l’abstraire une seconde de son aventure dissolvante, de lui rappeler qu’il est, pour toute douleur et toute joie extérieure à lui, un lieu indéfiniment perfectible de résolution et d’écho.”
Le dualisme est inhérent à la photographie puisqu’elle instaure un trouble fondamental entre la réalité et l’apparence. Mais aussi parce que le photographe se trouve dans un rapport équivoque au monde. Il peut se borner à s’effacer, à se soumettre aux choses. Mais s’il sait les modifier par son regard, il fait oeuvre de voyant. Cesare Di Liborio y parvient superbement.
Charles-Henri Favrod
Directeur Honoraire du Musée de l’Elysée